Quel est la mission de Bihartean ?

Depuis 2010, elle accompagne les entreprises des trois territoires – Nouvelle-Aquitaine, Navarre et Euskadi – dans des projets qui lient les deux côtés des Pyrénées. Cela peut être la recherche de prestataires, de fournisseurs, de sous-traitants ou de partenaires, la création d’une entité, d’une filiale ou d’une succursale… Pour répondre au mieux aux attentes des entreprises, je réparti mon temps entre Bayonne, Saint-Sébastien et Pampelune. Avec toujours le même leitmotiv : leur faire gagner du temps, les aiguiller directement vers les bons partenaires.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Si une production agro-alimentaire cherche un réseau de commercialisation au nord ou au sud, je cerne précisément le besoin puis identifie l’interlocuteur adéquat. Une entreprise innovante d’équipement pour bébés veut faire fabriquer au plus près ? Je demande les caractéristiques exactes et trouve de potentiels sous-traitants sur notre territoire. Un dispositif médical a besoin d’être testé pour s’adapter au marché voisin, je mets en relation les professionnels de santé… Des clusters transfrontaliers*, en partie financés par l’Eurorégion Nouvelle Aquitaine-Euskadi-Navarre, permettent également à tous d’échanger régulièrement sur leurs collaborations dans les domaines de la fabrication additive, de l’intelligence artificielle et des dispositifs médicaux sur mesure. En 2023, un nouveau cluster sera créé sur la réalité augmentée.

Et vous êtes toujours présente lors des premières rencontres…

Le premier contact est très important. Je suis là pour rendre la conversation plus fluide, par ma connaissance de la langue bien sûr, mais aussi pour concilier les subtilités culturelles entre nord et sud.

« Je suis viscéralement sensible aux différences culturelles, à l’aspect spécifique de chacun des territoires. »

Quelles sont justement les différences entre ces trois territoires ?

D’un point de vue strictement politico-administratif déjà, il est nécessaire dès le départ d’expliquer ce qu’est une « diputación » ou une communauté de communes, par exemple. La culture d’entreprise diffère également : un caractère plus ou moins audacieux, des devis plus ou moins détaillés, des délais de réponse variables…

Ils sont certainement complémentaires aussi ? 

Absolument ! Le Pays basque sud est très fort industriellement et leader dans le domaine des maladies chroniques ; la Navarre est extrêmement compétente dans les énergies renouvelables ; le Pays basque nord a une grande diversité sectorielle tout en étant leader dans l’agroalimentaire et l’aéronautique. Chaque territoire excelle dans certains domaines. Il y a des bonnes pratiques partout. Il faut apprendre l’un de l’autre.

Comment voyez-vous l’avenir pour ces coopérations transfrontalières ? 

On voit aujourd’hui que le coût logistique a augmenté, que les échanges mondiaux sont en difficulté lors d’une pandémie ou d’une pénurie de composants, que la contrainte énergétique s’accroît. La mondialisation, qui a des vertus, a aussi des limites. Ce n’est pas qu’elle va péricliter, mais la proximité est de plus en plus d’actualité. C’est notre intime conviction. Et l’actualité nous donne raison. 

La relocalisation de nos activités est essentielle…

On peut et on doit le faire. Par exemple, en chirurgie, un pneumologue du Pays basque nord devait trouver une solution car son constructeur, allemand, arrêtait la production. Grâce à nos actions, il a pu fabriquer son dispositif, en l’optimisant, à moins de 20 km de son siège, simplement en traversant la frontière. En ce moment, on travaille aussi à la relocalisation d’une fabrication asiatique, en favorisant une approche globale : le prix, c’est une chose, mais il faut aussi considérer la logistique, les délais de livraison, le renvoi s’il y a des défauts, la moindre réactivité, l’importante empreinte carbone… Quand on fabrique, on a envie de voir son sous-traitant au plus près de soi, d’être dans l’échange direct et le concret. La proximité devient une vraie valeur. L’alliance entre ces trois territoires gagne donc en pertinence.

* Olga Irastorza est la coordinatrice et directrice de l’équipe composée de Yohan Blanco (CCI), Aña Cañaola (Navarre) et Alfonso Aguire (San Se).