Côte Basque Madame N°33
©Sébastien Minvielle
Interview
19 juillet 2022
Jean-Paul Gaultier : “Saint-Jean-de-Luz fait partie de moi, de ma culture”
Propos recueillis par Sarah-Jane Di Bona
Couturier à l’aura planétaire, Jean-Paul Gaultier est habité par ses souvenirs d’enfance passée au Pays basque. C’est au grand hôtel de Saint-Jean-de-Luz qu’il nous parle de cette région qui le nourrit depuis l’enfance. Rencontre avec un Luzien d’adoption. Un créateur d’exception.
Interview
Comment avez-vous connu le Pays basque ?
Jean-Paul Gaultier : Mon grand-père était gascon. Le Lot-et-Garonne était le point de départ d’un périple familial qui nous amenait jusqu’à la Côte basque. On passait par Cap Breton, Hossegor, et l’arrivée à Saint-Jean-de-Luz était un enchantement. Et puis, j’accompagnais parfois ma grand-mère en cure à Dax. Ce sont eux qui m’ont permis de découvrir ce beau pays.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous installer dans la région ?
J’ai toujours eu envie d’avoir une maison dans le Sud-Ouest, proche de l’océan. Mais je n’aurais jamais imaginé vivre ailleurs qu’à Paris. C’est en revenant à Saint-Jean-de-Luz que j’ai eu le coup de foudre, l’impression de revivre mes souvenirs d’enfance. Je revoyais cette ville blanche avec ses maisons aux volets rouge-sang de bœuf, le Toro de Fuego, et cette baie qui n’avait pas changé. Quand j’ai arrêté de vivre au rythme effréné des collections, j’ai pris la décision de m’y installer. Cette ville fait partie de moi et de ma culture.
Comment cette région vous inspire-t-elle ?
C’est la sensation de bien-être qui m’inspire. Je me nourris de ces couchers de soleil, du ciel bleu, du contraste des couleurs, de la convivialité… J’aime cet attachement aux traditions, l’inspiration vient de cette énergie.
Qu’est-ce qui vous a conduit à la mode ?
J’étais fils unique avec déjà beaucoup d’imagination. À l’école, j’étais plutôt seul, je n’étais pas bagarreur, je ne jouais pas au football et j’étais un peu rejeté. À cette époque, ma grand-mère me laissait regarder la télévision et j’aimais beaucoup « Les raisins verts », une émission très visuelle. Mais j’ai vraiment eu la révélation en voyant un extrait du spectacle des Folies Bergère. Ces femmes qui descendaient l’escalier portant des bas-résilles et des plumes. Je découvrais un univers flamboyant, différent. À l’école, je me suis mis à dessiner cette danseuse des Folies Bergère que j’avais vu la veille à l’écran. L’institutrice passe devant moi et voit mes croquis. Furieuse, elle me demande de me lever et m’épingle le dessin sur ma blouse en me faisant faire le tour des classes pour m’humilier. À ma grande surprise, c’est le contraire qui s’est produit. Tous les garçons qui se moquaient de moi ont commencé à me demander de leur faire des dessins. Ils avaient changé d’attitude. Ils étaient devenus sympathiques avec moi et cela m’a fait prendre conscience qu’en faisant des dessins, on m’acceptait. Plus tard, j’ai découvert Falbalas de Jacques Becker. J’ai donc continué dans cette voie, la mode est devenue mon métier.
Vous êtes sur tous les fronts : grand couturier, créateur de parfums, de costumes pour le cinéma, la danse etc. Comment choisissez-vous les projets ?
J’ai la chance que les projets s’offrent à moi naturellement. À mes débuts, ma timidité m’a beaucoup aidé. J’avais peur d’aller montrer mon travail, alors j’envoyais mes croquis. Le jour de mes 18 ans, Pierre Cardin m’a engagé, ce fut une expérience passionnante. Je suis ensuite parti chez Jean Patou dont j’admirais le travail. À partir de ce moment, les opportunités sont venues à moi. Pedro Almodovar, Peter Greenaway, Besson, Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, m’ont demandé de collaborer avec eux sur les costumes de leurs films. Madonna m’a sollicité pour confectionner les costumes de ses tournées. C’était magique de travailler avec les artistes que j’admirais. Je suis très gâté de pouvoir choisir. J’accepte les projets qui me plaisent, comme préparer l’exposition Ciné-Mode qui voyage actuellement à travers l’Espagne (Madrid, Barcelone, Saragosse, Burgos, Las Palmas et Séville). C’est Toni Marshall qui m’a poussé à monter le Fashion Freak-Show, mon premier spectacle.
Qui sont les personnes qui ont influencé votre parcours ?
Je lisais beaucoup de magazines et les rédactrices de mode m’ont beaucoup inspiré. Londres aussi qui était la ville de toutes les libertés. Les Anglais osaient porter les tenues les plus extravagantes, reflet d’une rébellion. Les femmes exhibaient leurs rondeurs avec fierté, j’admirais leur audace. Et puis j’ai été influencé par beaucoup d’artistes, notamment David Bowie, Mick Jagger et Polnareff qui jouaient de leur androgynie. Boy George par son éclectisme musical. Et le mouvement Punk bien sûr. En 76, j’étais le seul à montrer des collections moins conformistes. Aujourd’hui, Lil Nas X est un artiste qui n’a pas peur d’assumer son homosexualité et j’aime son univers artistique.
En tant que créateur, avez-vous une méthode de travail particulière ?
Je suis un boulimique de travail. Comme pour un sportif, c’est l’adrénaline qui fait qu’on ne s’arrête jamais. Pour moi, créer est vital.
Vous avez dit : « Il y a trop de vêtements et pas assez de gens pour les porter ». Selon vous, quelles sont les solutions pour une mode durable ?
C’est ce que j’ai voulu montrer dans ma dernière collection. J’ai repris des anciennes créations que j’ai revisitées, en les taillant différemment, en les teignant d’autres couleurs. J’ai tout recomposé. Un vêtement peut évoluer indéfiniment. Ma mère me racontait que pendant la guerre et par soucis d’économie, elle prenait les pantalons de mon père pour en faire des jupes. C’est la solution et les industriels devraient avoir cette démarche.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Avoir toujours été honnête avec moi-même. Ne pas avoir suivi la norme. Et d’avoir cultivé mon esprit critique.
Quels sont vos prochains projets ?
Mon Fashion Freak-Show va retourner à Londres du 15 juillet au 28 août et partira ensuite au Japon, puis en Allemagne. Je travaille actuellement sur la préparation d’un nouveau spectacle en rapport avec le Pays basque… Je vais m’occuper également de la direction artistique d’un film d’animation. Et je suis en train de monter une revue en tant que directeur artistique pour le Friedrichstadt Palast à Berlin.
Les adresses de Jean-Paul Gaultier
La terrasse du Grand Hôtel à Saint-Jean-de-Luz. Chez Mattin, 63 rue Evariste Baignol, Ciboure. Le Kaïku au 17 rue de la République, Saint Jean de Luz. Briketenia au 142 rue de l’Église à Guéthary.
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