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Côte Basque Madame N°31

Photo © Sébastien Minvielle

Interview

Aurélie Saada, histoire de femme(s)

Par Gweanëlle Baïd

Aurélie Saada, envoutante chanteuse de feu le duo Brigitte, a ouvert la 8e édition du festival international du film de Saint-Jean-de-Luz en présentant son premier long-métrage « Rose ». Rencontre avec cette chanteuse, auteure, compositrice et réalisatrice au grand cœur.

Le synopsis : Rose, 78 ans, vient de perdre son mari qu’elle adorait. Lorsque sa peine laisse place à une puissante pulsion de vie lui faisant réaliser qu’elle peut encore se redéfinir en tant que femme, c’est tout l’équilibre de la famille qui est bouleversé..

Gwenaëlle : Comment est née l’écriture de ce film ?

Aurélie Saada : Il y a cinq ans, j’ai organisé un dîner chez moi, mêlant, comme souvent, les cultures et les générations. Ce soirlà, il y avait la dernière grand-mère de ma famille. Elle venait de perdre son mari. Elle était fatiguée, anéantie. A cette même table, il y avait Marceline Loridan-Ivens, une femme remarquable, auteure de livres et de documentaires, rescapée des camps, ayant partagé le même convoi pour Auschwitz que Simone Veil. Marceline avait quelque chose de très particulier, elle réveillait les vivants. Elle avait 92 ans et une énergie incroyable. Elle buvait de la vodka, parlait de ses années de liberté joyeuses et audacieuses. On ne pouvait pas se laisser abattre en l’écoutant. Et j’ai vu ma grand-mère, ce soirlà, avoir comme un déclic. Ses joues sont devenues roses. J’ai eu le sentiment qu’elle se disait « et pourquoi pas continuer la vie, pourquoi pas découvrir encore des choses que j’ignore, me réapproprier mon corps, mon désir, ma vie, pourquoi pas être joyeuse finalement ? ». Les invités sont partis. Et j’ai commencé à écrire le synopsis de ce film.

C’était irrésistible mais un peu culotté pour moi, car je n’avais jamais écrit de film avant, jamais fait de court-métrage non plus. Je ne sais pas ce qui m’a pris (rires).

Un déclic pour vous aussi !

Oui, ça a été comme une évidence.

Pourquoi le choix du prénom Rose pour le titre du film et le personnage principal ?

Parce que les joues de Denise, ma grand-mère, sont devenues roses ce soir- et que son pull était rose ! (rires) C’est aussi un prénom désuet, si beau. Je trouve que la rose évoque des choses assez complexes : ça pique et ça sent bon, ça raconte l’éclosion, son parfum est associé à la vieillesse… Et puis il y a cette chanson tellement jolie de Françoise Hardy « Mon amie la rose ». C’est un mot qui a beaucoup de sens pour moi.

Pourquoi avoir choisi Françoise Fabian, cette grande actrice ? Hasard ou évidence ?

Je cherchais une femme qui ressemble à celles de ma famille. Avec un coté populaire, audacieux et oriental. Il n’y a pas tellement d’actrices comme ça, et, qui plus est, qui assument leur âge. Beaucoup ne veulent pas voir le temps qui passe. Mais Françoise, elle, l’assume. C’est tellement décomplexant pour nous tous d’ailleurs. 

Rose, ce n’est pas un peu votre histoire que vous racontez dans le corps d’une femme de 80 ans ?

C’est incroyable ce que vous me dites. Effectivement, il y a de l’autobiographie dans tous les recoins du film. C’est marrant, souvent on me dit « Toi, c’est le personnage dAure Atika ». Oui, mais c’est aussi Rose. Parce que moi, à trente ans, lorsque mon ex-mari m’a quittée, je me suis retrouvée seule avec nos deux enfants, j’ai cru que j’étais vieille, que c’était fini. Mais la vie m’a emmenée ailleurs. Et m’a permis de découvrir que j’étais plus forte que ce que je croyais. (sourire) Que si j’embrassais cette situation, il allait m’arriver encore des choses extraordinaires. Mon exmari, en voyant le teaser, m’a dit : « Je ne me doutais pas à quel point tu allais te raconter dans le corps d’une femme de 80 ans ».

Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz

Parlez-nous un peu de la musique de ce film…

J’ai composé la musique du film. Et l’un des thèmes a été écrit par ma fille Shalom lorsqu’elle était toute petite. Sinon, les quelques chansons additionnelles sont pour moi des madeleines incroyables. La version de « Can’t take my eyes off you » de Boys Town Gang, avec son goût d’insouciance et de disco du début des années 80, évoque mon enfance. « Warda » est dans toutes les fêtes chez moi. Quant à l’incontournable « Haramt Ahebak », quand je l’entends, je cours sur la piste et ne peut pas m’empêcher de danser.

Comment avez-vous travaillé la direction d’acteurs ?

J’écris un peu comme une partition musicale quand j’écris les dialogues. Je sais exactement ce que je recherche. Mais j’aime aussi que les comédiens se sentent sur un vrai terrain de jeu. C’est un équilibre. Souvent, à la fin des scènes, je laissais tourner la caméra, pour qu’ils improvisent et s’approprient le moment. J’aime bien donner des lignes claires et qu’à travers ces lignes, on y trouve sa liberté.

Rose, c’est un film sur les femmes, sur la liberté ?

Oui, je suis très préoccupée par la péremption du féminin. J’avais envie d’écrire une histoire autour de la liberté, une sorte de révolution intime. La vie est bonne à vivre et à jouir. Que l’on soit mère, grand-mère ou veuve, on est une femme, toujours et encore. Désirable et désirante, c’est peut-être ça le plus important. 

Allez-vous refaire un film après Rose ?

J’ai très envie de recommencer, c’est irrésistible ! Quand on y a goûté, on ne peut plus s’arrêter. Mais l’histoire de Rose n’est pas tout à fait terminée, puisque l’album sort le 3 décembre et je pars en tournée au mois de janvier avec la musique du film.

Pourriez-vous nous donner une adresse que vous aimez au Pays basque ?

Oui, j’adore Carøe, c’est un restaurant de tapas bosco-danois au cœur de Biarritz. 

Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz
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