Maison

Magazine N°35

© Sébastien MINVIELLE

Demeures d’exception

Maison Sugulna à Saint-Pierre-d’Irube

Par Christine Vignau Balency

Personne ne semble la connaître ici, pourtant sa singularité fait parler d’elle dans de prestigieuses écoles d’architecture… A Saint-Pierre d’Irube, la maison Sugulna, achevée en 1973, bouscule les codes. Conçue par Yves Salier de l'agence bordelaise Salier-Courtois-Lajus-Sadirac, elle est inspirée par le mouvement Bauhaus, et la relation intérieur/extérieur chère à Frank Lloyd Wright et Richard Neutra. Visite exclusive avec Zéphyrin Bonnal, architecte d’intérieur.

Tout en rondeurs et en sérénité

Le déclic est venu d’un échange presque anodin avec un élagueur, dans cette propriété inhabitée depuis le décès des parents, Denis et Ginette Fourquet : « Vous avez un trésor entre les mains… Vous pourriez la rénover ? » Une graine était plantée dans l’esprit de leurs enfants. Pendant six ans, la fratrie de quatre, Pierre, Guillaume, Catherine et Jean-François, a mûrement réfléchi et a fini par trouver le moyen de conserver leur patrimoine, de restaurer la maison de leur enfance. Celle qui était surnommée « la maison des Barbapapas » à cause de son profil arrondi qui ressemble à des bulles. Terrasse en béton, toit plat, moquette, isolation… de nombreux soins et travaux s’imposaient, tout en faisant bien attention à valoriser l’esprit zen initial. « Comme elle est désormais inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, grâce à l’initiative de Guillaume et de son ami l’architecte bayonnaise Isabelle Joly, on ne peut pas modifier l’intérieur » précisent les copropriétaires Jean-François et Catherine. Il faut dire que l’intérieur, si original, laisse pantois. « Tout a été pensé et conçu sur-mesure, aménagé avec un goût prononcé pour le design » commente Zéphyrin, remarquant les fauteuils de Charles et Ray Eames, la table basse Noguchi, les chaises Cesca B32 de Marcel Breuer et les tabourets Alvar Aalto dans la cuisine. « C’est notre mère qui a choisi les couleurs, les meubles, les rideaux, etc. Elle avait bon goût » sourit Jean-François.  

© Sébastien MINVIELLE
© Sébastien MINVIELLE

Un style épuré, précis et japonisant

« Je ne sais pas qui a influencé qui, mais, notre père, chirurgien orthopédiste plutôt adepte de culture alternative, n’a jamais eu peur de ce projet architectural » se souvient Jean-François. Une chose est sûre : de ce duo est née une propriété qui ne ressemble à aucune autre, permettant de « vivre ensemble sans se gêner » et d’organiser « d’innombrables fêtes familiales et amicales ». Dans le salon, un renfoncement permet à la famille de se réunir autour de la télé et de la cheminée. Dans la salle à manger, le chauffage fait corps avec le mobilier pour une discrétion totale. « Le radiateur plainte obéit également de cette volonté d’effacement » ajoute Zéphyrin. Dans le bureau tout en courbes, la très longue étagère sur-mesure abrite des centaines de livres et disques de jazz dont le père raffolait. Dans les deux astucieuses double chambres d’enfant trônent encore des polars, des dessins de pelote et de rugby. Dans la cuisine, tout est super pratique et terriblement moderne : un îlot central, des placards avec boutons poussoirs d’origine, une hotte encastrée dans le plafond, une planche à découper insérée dans le plan de travail… La suite parentale est dotée d’une salle de bain unique, entièrement habillée de mosaïque, sur deux niveaux et ouverte sur l’extérieur. Une baie vitrée donne sur un adorable patio planté d’un érable et de cailloux blancs. Une pièce si agréable qu’on aimerait passer des heures dans le bain à bouquiner…

© Sébastien MINVIELLE
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Le jardin, lieu d’expression

S’il n’a pas le droit de modifier l’intérieur de chez lui, Jean-François se révèle à l’extérieur : « Le jardin s’harmonise peu à peu, la tâche n’est pas facile mais très gratifiante ». Il a ainsi ajouté une azalée à feuilles orange à côté du grenadier, déplacé les rochers de l’entrée, délimité deux parterres et tailler le juniperus en nuage, avec un leitmotiv : ne pas acheter, réutiliser au maximum et rendre hommage à la pierre. « Notre ambition est de continuer à faire vivre le dedans et le dehors. Nous avons redécouvert la maison de notre enfance. Nous avons appris à la regarder et à l’aimer à nouveau. Nous nous y sentons très bien ».  Sentiment partagé.

Le point de vue de Zéphyrin Bonal, architecte d’intérieur

Nous sommes ici dans l’air de l’architecture moderne.

Les techniques de construction s’améliorent et s’industrialisent, le béton matériaux malléable permet de créer des formes libres, le verre plus solide permet de larges ouvertures, le métal plus fort permet d’accroître les portées. Autant de caractéristiques physiques nouvelles permettant aux architectes de laisser libre court à leur imagination en focalisant leur travail sur la forme, la lumière et l’articulation de la vie au sein d’un foyer.

Les architectes se confrontent à l’exercice de l’Oulipo. C’est-à-dire que la contrainte, le programme des clients stimule et permet de trouver des solutions créatives. L’intérieur devient le moteur et le cœur du projet. Il est travaillé, architecturé et il déterminera l’esthétique extérieur.

La maison Sulguna en est le parfait témoignage. Sa forme si particulière est le résultat de son architecture intérieure. Chaque fonction répond à un volume, et chaque volume est placé de sorte que toutes les fonctions communiquent entre elles. Ainsi se dessine un intérieur ingénieusement distribué où l’unité, la géométrie, les proportions et les circulations ancrent radicalement la maison dans son temps en lui permettant encore aujourd’hui de briller par son architecture moderne et intemporelle.

  • BANNIERE LATERALE 10 ANS
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